Monsieur le
Président,
Lorsque vous avez été
élu en 1995 à la tête de la mairie de Yerres, l'une de vos premières décisions
a été d'essayer de fermer l'ENMD, bien qu'à cette époque, l'engagement
financier de l'Etat vers les établissements d'enseignement artistique n'était
pas mis en cause.
Depuis 2003, derrière
votre volonté affichée de réduire les coûts se cache un projet politique
autrement plus délétère pour l'Education et la Culture au Val d'Yerres. Des
efforts nous ont été demandés, et si il y avait des améliorations à apporter,
un fonctionnement à optimiser, nous avons participé à l'effort collectif,
conscients de la nécessité de bien employer l'argent public qui vous était
confié.
Depuis 2009, vous
êtes passé à la vitesse supérieure. Et vous avez mis en marche le démantèlement
progressif de nos écoles.
Certains professeurs
de renom, des P.E.A., ces Professeurs d'Enseignement Artistique, sont partis
"d'eux mêmes ", sentant que l'avenir de ce conservatoire était
compromis.
D'autres ont subi de
telles pressions qu'enseigner ici leur était devenu insupportable.
D'autres encore ont
été "incités" à enseigner ailleurs.
Quant aux plus
fragiles, ceux dont les emplois précaires les muselaient encore plus que les
autres, ils ont vu au mieux leur temps de travail diminuer au fil des années,
et pour certains, leur contrat non renouvelés. Seule la mobilisation collective
des professeurs en 2010 a empêché le désastre humain.
Vous avez muselé les
enseignants, au nom du devoir de réserve. Une "veille informatique"
surveille leurs faits, gestes et signatures sur Internet.
L'opacité qui règne a
contribué à instaurer un climat de suspicion permanente, chacun craignant pour
son poste, ses élèves, son avenir.
Ces écoles, ce CRD,
qui devraient faire votre fierté, tant par la qualité et l'intensité du travail
fourni que par l'investissement des professeurs et de leurs élèves, vous en
avez fait un fantôme dans les villes, invisible, malgré ces presque 1200 élèves
(dont certains d'entre eux sont devenus des professionnels grâce à leur passage
dans vos écoles), absent de l'inauguration du CEC, absent de l'inauguration du
théâtre de Brunoy, absent de l'inauguration de l'exposition Caillebotte, absent
des "Musicales" de Caillebotte, ignorant les demandes réitérées des
professeurs et de leurs élèves de plus de visibilité. Bref, invisible aux yeux
de la population du val d'Yerres. Invisible à vos propres yeux. Alors que DEUX
salles de spectacles, respectivement de 500 et 1000 places sont construites à
1km d'intervalle, votre CRD ne dispose même pas d'un auditorium qui lui est
propre!
Depuis peu, les
auditions d'élèves -qui ne sont même plus annoncées- sont fermées au public
extérieur, officiellement par manque de place.
L'augmentation des
tarifs entre 2010 et 2014 (déjà engagée avec la création du SIVU en 1997, et
institutionnalisée en 2003 avec la VYCA) vient parachever le travail de
destruction méthodique de notre structure.
Nous voyons -encore-
cette année, s'amenuiser la possibilité de rayonner auprès des écoles primaires
du Val d'Yerres, par le biais de nos DUMIstes, dont même Alain Girard, en
Conseil d’établissement a vanté l'engagement et la compétence. Nous pouvions,
grâce aux CHAM/CHAD, garder un pied dans les collèges et ainsi, permettre à
ceux qui avaient choisi ce cursus de bénéficier d'une éducation artistique de
qualité et à leurs camarades d'autres classes d'avoir un autre regard sur la
musique et la danse que celui dont ils sont abreuvés.
Quels que soient les
efforts entrepris, en terme de masse salariale, en coût humain, en nombre
d'heures d'enseignement artistique, ce n'est jamais assez.
Vous nous opposez la
baisse de subventions et le désengagement de l'Etat et du Conseil Général.
Pourtant, les nombreux départs de professeurs (volontaires ou non) et de
directeurs ont permis de réaliser des économies substantielles, et d'éponger ce
déficit. Les économies que vous demandez aujourd'hui aux conservatoires ne
relèvent-elles pas d'une gestion risquée de vos investissements?
Que devrons nous
faire de plus? Nous n'assisterons pas, passifs et impuissants, à la fermeture
programmée de nos établissements publics.La fameuse "modernisation",
dont vous parlez dans le tract distribué dans vos rues (quatre pages en
couleurs, élaborées et financées par l'argent de vos contribuables), est-ce de
faire croire que les choses iront mieux, avec moins d’argent? Autrement dit,
faire croire que le service rendu aux usagers sera meilleur en appliquant une
réduction voire une suppression d’une partie de l’activité, tout en arguant
d’innovation pour habiller d’autres critères un enseignement au rabais? Ce type
d'enseignement existe depuis longtemps, dans des structures associatives qui
proposent en effet des cursus axés sur une pratique de loisir, fort différente
de ce qui est attendu d'un établissement public d'enseignement
artistique à Rayonnement Départemental.
Ce que vous proposez
là est bel et bien un déclassement qui ne dit pas son nom.
Nous ne pouvons pas
vous laisser dénigrer, dans ce document co-signé par les maires des 6
communes du Val d'Yerres, l'ensemble de la profession, dans un amalgame
indigne de la fonction que vous exercez. Comment des élus, au service de ceux
qui les ont mandatés pour être le garant des institutions qu'on leur a
confiées, peuvent-ils traiter avec autant de mépris et d'irrespect ceux qui
servent leurs administrés depuis tant d'années, et trahir les institutions dont
ils ont la charge avec autant d'inconscience?
Nous ne pouvons pas
vous laisser congédier brutalement une enseignante, au motif que sa compétence,
avérée par sa réussite cette année au si difficile concours de PEA de la
fonction publique territoriale, devient subitement trop chère, balayant au
passage un engagement et un investissement sans faille pour votre collectivité.
Sans compter ceux pour lesquels l'avenir à court terme est incertain.
Les professeurs et
assistants d'enseignement artistique n'ont pas décidé de leur volume
hebdomadaire d'enseignement (et non pas de travail, la nuance est
d'importance), mais que si d'autres l'ont fait, c'est qu'ils mesuraient la
charge de travail, hors des heures d'enseignement, que leurs cadres d'emploi
impliquaient. Les dénigrez-vous aussi? Si deux cadres d'emplois ont été créés,
c'est qu'en effet leur mission, diffère sensiblement.
La manœuvre est
claire: amalgamer dangereusement des cadres d'emplois aux missions différentes,
et toutes deux essentielles au maintien de la qualité de l'enseignement, par la
diversité des publics que leur double existence permet de toucher: Les
professeurs de catégorie A,- les P.E.A.- nécessaires au niveau de qualité
requis pour un CRD. montrés du doigt comme « coûteux », qui se
voient opposés à ceux de catégorie B, - les A.S.E.A.- qui rendraient le même
service, pour moins cher . A moins que cela ne corresponde à quelques critères
de qualité qu’il s’agit de faire oublier ? Nous nous interrogeons sur
votre volonté de division , voire d'opposition, entre les enseignants des
deux catégories: CAPES, AGREG, mêmes missions? Rédacteur, Attaché, même
compétence?
Le Val d'Yerres
dispose aujourd'hui de 4 salles de spectacles, la 5è, à Epinay, étant en cours
d'achèvement.
Si vous avez investi
tant d'argent public dans ces lieux de diffusion, c'est pour y faire des
spectacles, avec des artistes que vous payez au prix fort, pour... 2h ou 3h de
"travail"? Et ces musiciens qui font le bonheur de vos usagers, ou et
par qui ont-ils été formés?
En tant que personne,
vous avez le droit de penser que les artistes enseignants sont des incapables,
inutiles et chers. Des parasites de la société qui ne produisent rien.
Pas en tant qu'élu de la République. Un élu n'est pas seulement un chef
d'entreprise, il doit être le garant de la continuité éducative et culturelle
de l'Etat.
L'éducation n'est pas
une marchandise.
Nous sommes
solidaires des habitants du Val d'Yerres, dont nos structures font la fierté,
qui se mobilisent aujourd'hui afin que la Culture et l'Enseignement artistique
sur leur territoire ne fasse pas les frais de la logique comptable qui vous
anime.
Recevez, Monsieur le
président, l'expression de nos sentiments respectueux,
Le Sécrétaire Général du SAMUP
François NOWAK