lundi 7 juillet 2014

La lettre du SAMUP à Nicolas Dupon-Aignan

Le Syndicat des Artistes Interprètes et Enseignants de la Musique, de la Danse et des Arts Dramatiques a écrit à Nicolas Dupon-Aignan


Paris le 23 juin 2014

Monsieur le Président,  


Lorsque vous avez été élu en 1995 à la tête de la mairie de Yerres, l'une de vos premières décisions a été d'essayer de fermer l'ENMD, bien qu'à cette époque, l'engagement financier de l'Etat vers les établissements d'enseignement artistique n'était pas mis en cause. 
Depuis 2003, derrière votre volonté affichée de réduire les coûts se cache un projet politique autrement plus délétère pour l'Education et la Culture au Val d'Yerres. Des efforts nous ont été demandés, et si il y avait des améliorations à apporter, un fonctionnement à optimiser, nous avons participé à l'effort collectif, conscients de la nécessité de bien employer l'argent public qui vous était confié.
Depuis 2009, vous êtes passé à la vitesse supérieure. Et vous avez mis en marche le démantèlement progressif de nos écoles.
Certains professeurs de renom, des P.E.A., ces Professeurs d'Enseignement Artistique, sont partis "d'eux mêmes ", sentant que l'avenir de ce conservatoire était compromis.
D'autres ont subi de telles pressions qu'enseigner ici leur était devenu insupportable.
D'autres encore ont été "incités"  à enseigner ailleurs. 
Quant aux plus fragiles, ceux dont les emplois précaires les muselaient encore plus que les autres, ils ont vu au mieux leur temps de travail diminuer au fil des années, et pour certains, leur contrat non renouvelés. Seule la mobilisation collective des professeurs en 2010 a empêché le désastre humain.
Vous avez muselé les enseignants, au nom du devoir de réserve. Une "veille informatique" surveille leurs faits, gestes et signatures sur Internet.
L'opacité qui règne a contribué à instaurer un climat de suspicion permanente, chacun craignant pour son poste, ses élèves, son avenir.
Ces écoles, ce CRD, qui devraient faire votre fierté, tant par la qualité et l'intensité du travail fourni que par l'investissement des professeurs et de leurs élèves, vous en avez fait un fantôme dans les villes, invisible, malgré ces presque 1200 élèves (dont certains d'entre eux sont devenus des professionnels grâce à leur passage dans vos écoles), absent de l'inauguration du CEC, absent de l'inauguration du théâtre de Brunoy, absent de l'inauguration de l'exposition Caillebotte, absent des "Musicales" de Caillebotte, ignorant les demandes réitérées des professeurs et de leurs élèves de plus de visibilité. Bref, invisible aux yeux de la population du val d'Yerres. Invisible à vos propres yeux. Alors que DEUX salles de spectacles, respectivement de 500 et 1000 places sont construites à 1km d'intervalle, votre CRD ne dispose même pas d'un auditorium qui lui est propre!
Depuis peu, les auditions d'élèves -qui ne sont même plus annoncées- sont fermées au public extérieur, officiellement par manque de place.
L'augmentation des tarifs entre 2010 et 2014 (déjà engagée avec la création du SIVU en 1997, et institutionnalisée en 2003 avec la VYCA) vient parachever le travail de destruction méthodique de notre  structure.
Nous voyons -encore- cette année, s'amenuiser la possibilité de rayonner auprès des écoles primaires du Val d'Yerres, par le biais de nos DUMIstes, dont même Alain Girard, en Conseil d’établissement a vanté l'engagement et la compétence. Nous pouvions, grâce aux CHAM/CHAD, garder un pied dans les collèges et ainsi, permettre à ceux qui avaient choisi ce cursus de bénéficier d'une éducation artistique de qualité et à leurs camarades d'autres classes d'avoir un autre regard sur la musique et la danse que celui dont ils sont abreuvés.
Quels que soient les efforts entrepris, en terme de masse salariale, en coût humain, en nombre d'heures d'enseignement artistique, ce n'est jamais assez. 
 
Vous nous opposez la baisse de subventions et le désengagement de l'Etat et du Conseil Général. Pourtant, les nombreux départs de professeurs (volontaires ou non) et de directeurs ont permis de réaliser des économies substantielles, et d'éponger ce déficit. Les économies que vous demandez aujourd'hui aux conservatoires ne relèvent-elles pas d'une gestion risquée de vos investissements? 
Que devrons nous faire de plus? Nous n'assisterons pas, passifs et impuissants, à la fermeture programmée de nos établissements publics.La fameuse "modernisation", dont vous parlez dans le tract distribué dans vos rues (quatre pages en couleurs, élaborées et financées par l'argent de vos contribuables), est-ce de faire croire que les choses iront mieux, avec moins d’argent? Autrement dit, faire croire que le service rendu aux usagers sera meilleur en appliquant une réduction voire une suppression d’une partie de l’activité, tout en arguant d’innovation pour habiller d’autres critères un enseignement au rabais? Ce type d'enseignement existe depuis longtemps, dans des structures associatives qui proposent en effet des cursus axés sur une pratique de loisir, fort différente de ce qui est attendu d'un établissement public d'enseignement artistique à Rayonnement Départemental.
Ce que vous proposez là est bel et bien un déclassement qui ne dit pas son nom.
Nous ne pouvons pas vous laisser dénigrer, dans ce document co-signé par les maires des 6 communes du Val d'Yerres, l'ensemble de la profession, dans un amalgame indigne de la fonction que vous exercez. Comment des élus, au service de ceux qui les ont mandatés pour être le garant des institutions qu'on leur a confiées, peuvent-ils traiter avec autant de mépris et d'irrespect ceux qui servent leurs administrés depuis tant d'années, et trahir les institutions dont ils ont la charge avec autant d'inconscience?
Nous ne pouvons pas vous laisser congédier brutalement une enseignante, au motif que sa compétence, avérée par sa réussite cette année au si difficile concours de PEA de la fonction publique territoriale, devient subitement trop chère, balayant au passage un engagement et un investissement sans faille pour votre collectivité. Sans compter ceux pour lesquels l'avenir à court terme est incertain.
Les professeurs et assistants d'enseignement artistique n'ont pas décidé de leur volume hebdomadaire d'enseignement (et non pas de travail, la nuance est d'importance), mais que si d'autres l'ont fait, c'est qu'ils mesuraient la charge de travail, hors des heures d'enseignement, que leurs cadres d'emploi impliquaient. Les dénigrez-vous aussi? Si deux cadres d'emplois ont été créés, c'est qu'en effet leur mission, diffère sensiblement.
La manœuvre est claire: amalgamer dangereusement des cadres d'emplois aux missions différentes, et toutes deux essentielles au maintien de la qualité de l'enseignement, par la diversité des publics que leur double existence permet de toucher: Les professeurs de catégorie A,- les P.E.A.- nécessaires au niveau de qualité requis pour un CRD. montrés du doigt comme « coûteux »,  qui se voient opposés à ceux de catégorie B, - les A.S.E.A.- qui rendraient le même service, pour moins cher . A moins que cela ne corresponde à quelques critères de qualité qu’il s’agit de faire oublier ? Nous nous interrogeons sur votre volonté de division , voire d'opposition, entre les enseignants des deux catégories: CAPES, AGREG, mêmes missions? Rédacteur, Attaché, même compétence?    
Le Val d'Yerres dispose aujourd'hui de 4 salles de spectacles, la 5è, à Epinay, étant en cours d'achèvement.
Si vous avez investi tant d'argent public dans ces lieux de diffusion, c'est pour y faire des spectacles, avec des artistes que vous payez au prix fort, pour... 2h ou 3h de "travail"? Et ces musiciens qui font le bonheur de vos usagers, ou et par qui  ont-ils été formés?  
En tant que personne, vous avez le droit de penser que les artistes enseignants sont des incapables, inutiles et chers. Des parasites de la société qui ne produisent rien.  Pas en tant qu'élu de la République. Un élu n'est pas seulement un chef d'entreprise, il doit être le garant de la continuité éducative et culturelle de l'Etat.
L'éducation n'est pas une marchandise.
Nous sommes solidaires des habitants du Val d'Yerres, dont nos structures font la fierté, qui se mobilisent aujourd'hui afin que la Culture et l'Enseignement artistique sur leur territoire ne fasse pas les frais de la logique comptable qui vous anime.
Recevez, Monsieur le président, l'expression de nos sentiments respectueux,


 Le Sécrétaire Général du SAMUP
François NOWAK

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